Les archives de PDS1: Interview de Sébastien Flute (2001)
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Interview
de Sébastien Flute (2001)
Quels sont
vos projets pour le haut niveau de notre sport ? (Patrick Jean)
Le haut niveau en tir à l’arc est géré par la direction technique
et les entraîneurs nationaux, c’est donc à eux d’apporter les
évolutions nécessaires à la préparation des athlètes de l’équipe
de France.
En ce qui me concerne, je pense qu’entraîner demande des qualités
qu’un athlète de haut niveau n’a pas systématiquement, et je
crains fort de ne pas avoir ces qualités, par contre, je ne
serais pas contre la possibilité de faire partager mon expérience
auprès des athlètes des équipes, reste à voir si l’encadrement
est intéressé et si oui, sous quelle forme.
Penses-tu
qu'il faille de grands bouleversements pour que la France puisse
avoir une équipe telle que celle de l'Italie, par exemple, ou
penses-tu que les contre-performances actuelles ne sont que
passagères ? (Jean Louis Arnold)
Il est toujours difficile quand on est un athlète de haut niveau
en exercice d’avoir le recul nécessaire pour pouvoir donner
un avis pertinent sur la structure dans laquelle on évolue.
Depuis que j’ai pris la décision d’arrêter, j’ai beaucoup réfléchi
à tout cela, et je me demande si l’on ne s’est bercé de douces
illusions, à savoir que puisqu’un tireur l’avait fait, on devrait
normalement ramener une médaille à chaque fois, comme c’est
le cas pour d’autre discipline telle que le judo ou l’escrime.
Le fait que j’arrête va sûrement laisser de la place à d’autres
athlètes qui jusqu’à présent faisaient les frais de l’omniprésence
de deux tireurs, et cela va augmenter la concurrence et permettre
à de nouveaux talents de s’exprimer. Je pense que c’est surtout
l’état d’esprit de cette équipe qui a besoin d’évoluer vers
un esprit plus "commando", c’est à dire avec des athlètes
prêt à se faire mal, à ne pas succomber au confort de simplement
être en équipe, le haut niveau ne peut être composé que d’athlètes
prêts à dépasser leurs limites, qu’elles soient physiques ou
mentales. Il y a fort à parier que si l’on évolue dans ce sens,
les résultats ne devraient pas se faire attendre. Souhaitons
le en tout cas.
Pourquoi
ne pas vous voir désormais sur les podiums "arc à poulies"
? (Jean Christophe Bousignac)
J’ai pris la décision d’arrêter le tir à l’arc pour plusieurs
raisons, et notamment pour m’occuper de ma reconversion professionnelle
et parce que je souhaitais rester sur une bonne impression,
ce qui est le cas après Sydney. Continuer, que ce soit en classique
ou en arc à poulie, serait synonyme d’emploi du temps essentiellement
consacré à l’entraînement et aux compétitions, ce qui irait
à l’encontre des objectifs professionnels que je me suis fixés.
J’ai depuis huit ans pu me consacrer essentiellement au tir
à l’arc, notamment grâce à mes sponsors, et je n’envisage pas
à l’avenir mener deux activités de front aussi prenantes que
peuvent être sport de haut niveau et carrière professionnelle.
Qu'allez
vous faire pour le tir à l'arc désormais et quel est votre objectif
à la FFTA? (Club de Vouneuil sur Vienne)
J’espère que faire parti du comité directeur me permettra d’aider
le tir à l’arc à évoluer pour qu’il soit en mesure, demain,
d’apporter encore plus qu’il ne fait déjà à chaque licencié,
du débutant à l’athlète de haut niveau en passant par tous ceux
pour qui le tir à l’arc est, et restera un loisir.
Je pense que l’équipe de France peut agir comme une super vitrine
de notre sport (cf. Barcelone), mais sans structure adéquate
pour accueillir et accompagner le licencié dans sa progression,
cela ne profite à personne. Beaucoup de clubs font des efforts
pour avoir des installations de qualités, un encadrement disponible
et compétent, et c’est dans cette direction que chacun doit
pousser. L’objectif pour moi n’est pas forcément d’augmenter
le nombre de licenciés à tout prix, cela ne doit être que la
résultante de la qualité de ce que l’on pourra offrir à chacun
d’entre eux.
Quel
est votre sentiment à la fin de votre carrière? Pensez-vous
avoir réalisé de grandes choses? (Jean Denis Gitton)
Il est bien évident que le meilleur souvenir de ma carrière
restera les Jeux de 92 à Barcelone, c’est à la fois le plaisir
suprême d’obtenir l’or Olympique et le point de départ de huit
ans de changement dans ma vie. Mais au delà de ce résultat,
ce qui me restera toute ma vie, c’est tout ce qui se passe au
sein d’une équipe, qu’elle soit de France ou de club. L’ambiance
des entraînements, des stages et des compétitions, et les liens
qui se tissent entre les tireurs et avec l’encadrement sont
autant de richesse que le simple fait de gagner une compétition.
Il est vrai qu’une équipe n’est pas composée par affinité, mais
par rapport aux performances de chaque tireur, mais c’est aussi
grâce à cela que l’on apprend aussi beaucoup de choses, les
caractères de chacun n’étant pas forcément compatibles au départ.
Quels
sont tes prochains défis ? (Michael Nayrole)
Mes prochains défis sont de deux ordres, le premier, qui a motivé
mon retrait de la compétition, est de me consacrer à ma reconversion.
Concrètement, je concentre mes efforts aujourd’hui à trouver
un métier où je pourrai exploiter et développer l’expérience
que j’ai acquis à la fois dans le domaine de la compétition,
mais aussi dans celui de la communication, j’ai plusieurs choses
en route, mais aujourd’hui rien de définitif.
Le deuxième défi que je souhaite relevé concerne le tir à l’arc
: j’aimerai en effet pouvoir faire profiter ce sport de l’expérience
que j’ai acquis, notamment depuis 1992, ceci en tant qu’élu
au comité directeur de la FFTA, et surtout en tant que passionné.
J’espère simplement que l’aspect politique d’un tel poste sera
un élément moteur de la promotion du tir à l’arc et non pas
source de luttes de pouvoir intestines.
Je
voudrais savoir si Sébastien va complètement arrêter le tir
à l'arc en tant que sport et si on aura le plaisir de le revoir
sur un pas de tir? (Lemeteil)
Je ne pense pas arrêter complètement, j’irai sûrement m’entraîner
de temps en temps, par contre je ne pense pas retourner sur
les terrains de compétitions en tout cas en compétiteur, car
pour moi la compétition est vraiment synonyme de recherche de
performance et cela n’est pas compatible avec un entraînement
très limité.
Quelles
sont les raisons qui t’ont poussé à prendre à ta retraite sportive ?
Les JO de Sydney et le résultat que tu y as obtenu, ont ils
influencé la suite de ta carrière ? (Arezki)
Il est bien évident que les Jeux de Sydney ont joué un rôle
dans ma prise de décision. En effet, cela faisait longtemps
que je n’avais pris autant de plaisir à tirer dans les matchs,
et à la suite de ces derniers je me suis dit « j’ai retrouvé
un bon niveau de compétition et de confiance, je devrais en
profiter pour continuer encore quelques saisons », et puis
après réflexion j’ai vraiment eu le sentiments que les plus
grands défis que j’aurais à relever à l’avenir seraient d’ordre
professionnel et en dehors du tir à l’arc. C’est pour cela,
et pour me consacrer pleinement à ma reconversion professionnelle,
que j’ai pris la décision d’arrêter.
Qui
va prendre ta succession au sein de l’équipe de France en tant
que porte flambeau ? (Alexandre Houvier)
Merci déjà de m’attribuer cet honneur jusqu’à aujourd’hui. Pour
moi le porte drapeau d’une discipline comme le tir à l’arc doit
s’imposé de lui même, non seulement par ses performances, mais
aussi et surtout par son caractère, son tempérament, contrairement
à beaucoup d’autres sports où le capitaine est désigné officiellement.
C’est pour cela que je me garderai bien de faire de pronostic
quand à l’avenir. L’équipe de France va devoir se remettre en
question, comme c’est le cas après chaque Jeux Olympiques. Laissons
lui un peu de temps, ainsi qu’aux athlètes qui la composent,
pour trouver leur place.
Au
cours de ta carrière tu as dû rencontrer les meilleurs archers.
Quels sont ceux qui t'ont le plus impressionné et quel est ton
modèle, si bien sûr il y en a un ? (Frédérique Martin)
Durant mes douze années d’équipe de France j’ai effectivement
côtoyé beaucoup d’athlètes, et ceux qui m’ont le plus impressionné,
sont ceux que j’ai rencontrés au début de ma carrière. C’est
au premier Coq France auquel j’ai participé en 1989 en junior,
que j’ai sans doute le plus été impressionné, notamment par
les Américains et les Russes. Par la suite, j’ai vite compris
que pour arriver au plus haut niveau il est important de traiter
d’égal à égal avec les autres compétiteurs si l’on veut pouvoir
un jour les battre, cela ne doit en aucun cas empêcher d’apprécier
les performances des autres, mais surtout amener à trouver comment
faire pour les dépasser.
Sébastien FLUTE.
02/10/2004 - Gilles
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